SOS, crise de l’accueil !
- thehumanisea
- 12 mai 2018
- 2 min de lecture
Laura Beton. Doctorante en Sciences de gestion

Votre pied touche le sol de la terre ferme. Vous avez cette chance que d’autres n’auront pas l’occasion de connaître. Des proches, des amis, des compagnons de voyages qui n’ont pu vous accompagner jusqu’au bout du voyage. Et pourtant, démarre un nouveau périple… celui de l’administration française.
Premier trimestre 2015, voici maintenant quelques mois que je suis stagiaire dans ce centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Tout est nouveau pour moi : une nouvelle ville, une nouvelle formation, des nouveaux enseignants, des nouveaux collègues…et surtout, de nouvelles rencontres. Ce n’est pas ma première expérience en CADA, mais celle-ci fut fortement déstabilisante.
Ces rencontres sont des femmes, beaucoup de femmes. Des femmes venues seules, et d’autres accompagnées de leurs enfants et parfois de leur mari. Des femmes à peine sorties de l’adolescence, et d’autres pour qui la vie touche à sa fin. Les motifs les ayant poussés à fuir leur pays d’origine, de quitter leurs proches et leurs amis, sont tous différents. Certaines fuient l’excision, d’autres les mariages forcés ou encore l’esclavage moderne etc. Mais ce qu’elles ont en commun, c’est qu’elles recherchent toute la liberté. La liberté de pouvoir, au prix de leur vie parfois, vivre une vie en tout dignité.
Je suis ainsi arrivée dans ce contexte. J’étais confrontée à des femmes, parfois de mon âge, qui avaient vécu les pires atrocités. Des barbaries que l’on n’ose imaginer tant leur conception paraît irréaliste. Et pourtant, tout cela était bien réel. Pour se reconstruire, des hommes et des femmes, de formation sociale, des assistants sociaux, des éducateurs spécialisés, mais aussi des conseillers en économie sociale et familiale, les accompagnent dans cette nouvelle aventure : celle de l’administration en France. Mais cette aventure n’est pas aisée.
Nombreux sont les obstacles qui empêchent les personnes en demande d’asile de se reconstruire comme ils le souhaiteraient. Et pourtant, je ne vous parle là que de ceux qui ont cette « chance », qui devrait être un « droit », d’être hébergés et accompagnés par des professionnels compétents : pas de droit au travail (depuis 1991) et non-respect effectif des dérogations au bout des neuf mois qui leur permettrait d’occuper un emploi, importants délais pour les ouvertures de droits et incompréhension régulière de ce public par les agents aux guichets, des dispositifs saturés d’accompagnement psychologique, un interprétariat parfois revu à la baisse devant le manque de moyens des établissements etc. Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle permet de montrer les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes en demande d’asile. Toutefois, nous sommes-nous déjà interrogés sur ce qui en était pour leurs référents sociaux ? Comment les professionnels du secteur sont affectés par le traitement qui est fait à leur public ? A vrai dire, très peu, hormis des travaux de plus en plus fréquents de sociologues. Les sciences de gestion ne se sont quant à elles pas emparées de ces questions.
C’est pourquoi, il me semble aujourd’hui extrêmement important, voire d’une grande nécessité, de s’intéresser et de mener des études empiriques sur les centres d’accueil qui accueillent ce public, ainsi que sur les professionnels qui les accompagnent. Car lorsqu’un demandeur d’asile est malmené par les institutions, c’est aussi le travail social qui en souffre.
Comments